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Comment deux organisations représentatives lisent le texte de la « Constitution européenne » ?

Position officielle des syndicats européens

par Henri

La Confédération européenne des syndicats (CES) est-il un partenaire fiable dans la lutte pour une autre Europe ? On peut en douter. Après avoir approuvé et soutenu le processus de Lisbonne, après avoir donné son satisfecit au dernier rapport Kok en vue d’accélérer le démantèlement social pour atteindre les objectifs de Lisbonne, la CES lance une résolution pour appuyer le projet de traité constitutionnel européen.

Mais pourrait-il en être autrement ? Le secrétaire général de l’association n’est autre que Joseph Monks, ancien dirigeant des TUC anglais et ami de Tony Blair. Ce sont les orientations de ce dernier qu’il impose à l’ensemble des syndicats européens.

Il y a d’ailleurs à l’intérieur des organisations syndicales nationales, régionales, locales ou sectorielles, bon nombre de positions qui divergent vis-à-vis de ces prises de position. C’est cela qu’il faut faire connaître et soutenir.


La CES face à la Constitution européenne

La Confédération européenne des syndicats (CES), qui regroupe la plupart des organisations syndicales en Europe, a pris position vis-à-vis du traité constitutionnel. Elle souligne d’emblée les faiblesses du texte.

Mais, dans une résolution datée du 13-14 octobre, elle précise : « Il y a plusieurs manières d’évaluer la nouvelle Constitution. Premièrement, à l’aune des exigences de la CES ; dans ce cas, il est clair qu’elle n’est pas entièrement satisfaisante. Deuxièmement, il est possible de comparer la version finale avec le projet de la Convention européenne. Là aussi, il est clair que des régressions et des restrictions ont été introduites et que la conférence intergouvernementale (CIG) a fait marche arrière [1]. Troisièmement, si elle la compare aux traités CE/UE actuellement en vigueur dans le « Traité de Nice », la CES est convaincue que la nouvelle Constitution est meilleure et, pour les syndicats, la seule approche pragmatique et réaliste consiste à la soutenir »  [2].

Ainsi, la CES avance que, suivant deux manières d’apprécier le nouveau traité, celui-ci n’est pas probant. Il n’y a que la troisième façon qui fait pencher la balance en faveur du texte.

Mais quels arguments reprend-elle ? Primo, le traité constitutionnel serait meilleur que les accords en cours (en particulier, le traité de Nice, adopté en décembre 2000). Il constituerait une avancée. Secundo, avoir une position favorable vis-à-vis de ce texte serait « la seule approche pragmatique et réaliste » .

On retrouve ce raisonnement au sein des différents partis sociaux-démocrates et écologistes. D’où l’intérêt d’en débattre.

D’abord, les partisans de « gauche » en faveur du oui au traité constitutionnel disent que le texte est meilleur que les précédents. C’est à voir. La première partie du texte introduit quand même « la libre concurrence », le « libre marché », la liberté de circulation pour les capitaux comme un objectif en soi de l’Union européenne. C’est donc un credo ultra-libéral. Et ce n’était pas présent dans les traités précédents. Ce n’est pas une avancée, c’est clairement un recul.

Ensuite, l’ensemble du document est un parti pris capitaliste, libéral. Il s’appuie sur une priorité quasi absolue de l’économie de marché, qui met les services publics et les aides de l’Etat pour sauver les emplois au rang d’exceptions, c’est-à-dire normalement à proscrire. Les références à une politique d’emploi ne doivent pas faire illusion : il s’agit de créer des postes de travail dans le cadre d’une économie européenne plus compétitive ; si ce n’est pas le cas, les emplois ne seront pas défendus ; ils n’ont donc pas de valeur en soi.

Le reste du texte est une construction peu démocratique qui affirme la primauté de la Commission européenne, confine le rôle du parlement à des missions toujours secondaires. Il donne peu de place, pour ne pas dire aucune, aux citoyens. Il imprime dans le marbre les accords passés par certains pays européens avec les Etats-Unis en matière militaire, dans le cadre de l’OTAN...

Toutes ces considérations sont autant de raisons, selon nous, de rejeter le traité constitutionnel. Comme nous aurions désapprouvé les accords précédents.

Toute la construction européenne jusqu’à présent s’est réalisée en dehors de la participation des populations. La « Constitution » est la première fois dans l’histoire où il est possible qu’une majorité des citoyens puissent donner leur avis sur une question européenne. C’est l’occasion de dire « non » à cette manière de procéder : les citoyens doivent être au centre de la construction européenne, pas à la périphérie !

Enfin, les partisans du « oui » prétendent qu’un vote contraire serait une catastrophe pour la formation d’une Europe. Ils jouent sur la peur du vide, donc de l’anarchie qui pourrait s’ensuivre. Mais, d’abord, un rejet du traité constitutionnel ne signifie pas que les anciens accords ne s’appliqueraient plus. Ce n’est donc certainement pas le vide. En outre, nous voulons effectivement arrêter cette Europe capitaliste, libérale, antidémocratique, antisociale et même belliqueuse. Voter « non » est un choix pour quelque chose d’autre et qui peut être une Europe véritablement sociale, démocratique, pacifique et solidaire des autres peuples du monde. Le « oui », au contraire, va perpétuer l’actuelle Europe qui s’attaque aux droits sociaux, aux emplois, à la qualité de l’enseignement, de la santé, aux services publics...

La « seule approche pragmatique et réaliste » nous semble donc le rejet du traité constitutionnel, pas son approbation.

Henri Houben

Notes

[1Le traité constitutionnel provient d’une longue démarche. Dans un premier temps, en 2002, les instances européennes ont mis sur pied un organisme, appelé la Convention, composé de 105 membres (parlementaires, commissaires, etc.) et dirigé par Valéry Giscard d’Estaing. Dans un second, celle-ci a déposé un texte. Puis, celui-ci a été retouché par les chefs d’Etat et de gouvernement lors de la CIG.

[2CES, « La Constitution européenne », Résolution adoptée par le Comité de Direction de la CES le 13 juillet 2004 et entérinée par son Comité Exécutif les 13-14 octobre 2004. On peut la trouver sur le site de la CES : CES


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